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October 1979

la blonde
platine

La gloire n’a pas changé Blondie: toujours un groupe de rock avec une belle image et pas encore de compte en banque…
Chris et Debbie ont raconté l’avant et l’après à Gilles Riberolles.

Machine. « Machine » articulait le pathétique personnage apparemment changé de présenter l’émission « Sucks » pourtant déjà plus qu’animée. La caméra se détache du-dit personnage qui reprend son souffle après avoir dansé un étonnant mélange de Casatchock et de Tamouré au rythme efféné de Machine, puis, lent travelling sur l’assistance qui permet de découvrir un certain nombre de baignoires fumantes desquelles émergent des corps dénudés contenant les derniers soubressauts d’une danse suggestive, puis, gros plan sur le sourire de la duchesse de Machine. Le présentateur monte alors sur la petite scène studio, la grosse caisse est en action; il écarte les jambes et se hisse sur les orteils au rythme 132 tout en désignant de son bras ten du les invités suivants. Moi je suis plutôt excité parceque je ne peux m’empêcher d’imaginer les conséquences irrémédiables qu’aurait la projection d’une telle émission à la télévision française un samedi soir à minuit; Chris Stein lui, n’est pas passionné; il se saisit de sa machine changeuse de chaînes à distance, et se met à la recherche de l’émission de Glen O’Brienn, le Ed Sullivan de l’ère atomique sur l’un des canaux « cable ». Au hasard des émissions, il tombe sur la projection de « Buddy Holly Story » et a l’air de s’en contenter puisqu’il dépose sa machine sur la table de nuit entre le numéro d’interview avec Deborah Harry en couverture et le sac de colombienne. Chris se saisit alors du sac en question et ceci renforce mon sentiment qui est que le moment est très mal choisi pour commencer l’interview dont je suis chargé. La petite chambre à coucher s’embrume d’une épaisse fumée, et je ne distingue plus de Chris que ses cheveux grisonnants et ses épaisses lunettes rondes à montures en écaille; avec sa combinaison de camouflage, il est à peu de choses près, ce que l’on peut attendre du look du mutant New Yorkais, ou du rasta de l’audio-visuel. Pour moi, dans ces instants où les détails deviennent infiniment plus importants que le global, Chris m’apparait comme l’être le plus intègre qui soit: la diction aussi blanche que le teint, l’individualisme aussi évident que l’assurance, mais surtout COOL, 100% cool; à tel point qu’on devient paresseux rien quà le regarder. Pas un geste, pas une parole n’est plus rapide que la précédente. En fait, la seule chose pour laquelle Chris semble dégager un tout petit peu plus d’énergie que d’ordinaire, c’est le bordel de sa salle de séjour où s’empilent disques, guitares, bandes magnétiques, appareils en tous genres, la seule issue de cet encombrement étant la terrasse surplombant Central Park. C’est petit chez Chris et Debbie; c’est loin d’être le repaire de stars que le terrien moyen aurait pu imaginer sachant qu « Heart of glass », après avoir été le No 1 dans la plupart des pays de cette planète se vit attribuer un double disque de platine aux USA, c’est à dire un peu plus de deux millions de disques vendus, que la même semaine Blondie était en couverture d’interview, de Soho News et de Rolling Stone, mais surtout que Blondie et (encore plus) Deborah Harry est devenue une vraie star; pas seulement les affiches et les publicités à la télévision, c’est dans l’air. Seulement voilà, on arrive chez eux, et à peu de choses près, c’est comme chez soi; ceci tient à deux facteurs: d’une part le groupe en conflit avec Peter Leeds, leur manager, commence à peine à toucher les royalties du tube de l’année (après de nombreux et interminables procès), mais surtout il semble qu’ils veulent à tous prix éviter de porter la couronne dorée que leur succès exige; le soir où Andy Warhol avait organisé une soirée privée au studio 54 en leur honneur, ils sont allés au Hurra’s écouter les Contortions, pour ensuite finir la nuit au Mudd Club dans l’East Village. « Andy connait Debbie depuis longtemps, il ne se fâchera pas » m’avait dit Chris tout en buvant son jus de mangue;
Tous ces souvernirs motivèrent trente secondes d’absence à la suite desquels je me retourne de mon inconfortable position sur le bord du lit pour m’allonger dans une nouvelle qui me permettre à la fois de me sentir mieux, et à la fois de me trouver sur la même ligne que celle qui va de la télévision aux yeux de Deborah; alors peut-être aurai-je une chance d’obtenir des réponses aux questions que je me dois de poser, et qui, de minute en minute me paraissent de plus en plus absurdes. J’en risque quand même une: « Déborah, comment vous êtes vous rencontrés avec Chris? » A ce moment là, je me fais l’effet de l’inspecteur d’académie qui vient de poser une sacrée colle à la plus mauvaise élève de la classe; les grands yeux bleus se concentrent subitement, hésitent une seconde entre une réponse drôle et une sérieuse, mais entre temps, Chris avait difficilement articulé une phrase qui, après plusieurs écoutes de la cassette se révéla être: « J’errais dans les rues je me piquais, tout çà; Debbie elle, était millionnaire; un jour elle passait dans les quartiers pauvres avec sa limousine blanche, elle m’a vu et elle m’a ramassé du trottoir… » (éclats de rires);
Debbie: Oui, je l’ai sauvé de lui-même.

Deborah Harry serait certainement un passionnant sujet de roman si Chris n’était son timide Truman Capote; une sorte de manager du quotidien dont l’indispensable touche cérébrale a toujours su parfaitement révéler la star qu’est Deborah; or elle en est une, star; car avant tout elle est quelqu’un d’humain qui ne joue d’autre rôle que le sien et qui, en plus de la séduction sait exprimer la timidité, la joie ou la colère. Or, ce soir elle est particulièrement belle: tennis blanches, combinaison en toile de parachute orange, les cheveux coupés plus courts et le regard à la fois étonné et amusé des gens qui se demandent s’ils n’ont pas les yeux trop rouges. Un horrible crissement de freins dans mon dos me fait comprendre que c’est la minute de publicité et j’en profite immédiatement pour essayer de reprendre mon sérieux et d’aborder avec tact ce qui est censé être une interview:
Gilles Riberolles: Chris, est-ce que déjà à quatre ans tu voulais devenir une rock-star?
Deborah: Si c’est vrai, j’en suis sûre.
Chris Stein: Non, c’est pas vrai. A quatre ans, je voulais devenir archéologue (rires).
DB: Menteur.
CS: Si, je voulais aller creuser des tombes dans le désert, trouver des os et tout çà. J’était un bon petit môme tu vois; après çà j’ai changé d’avis, mais je ne m’en souviens plus.
GR: Et toi Deborah?
DB: Je pense que je voulais être patineuse à roulettes. J’adorais çà le patin à roulettes. Et puis j’ai été attirée par le show business mais j’étais trop timide à l’époque et je n’y arrivais pas; après çà, je suis devenue tellement surexcitée à l’idée d’entrer dans ce business que je me suis lancée.
GR: C’est comme çà que vous vous êtes connus?
CS: En fait, nous nous sommes rencontrés dans un bar, le Beauburn Tavern; Debbie était sur scène avec deux autres filles, leur groupe s’apellait les Stilettos et c’était leur premier ou leur deuxième concert, (avant çà elle faisait partie d’un groupe de folk-rock) moi à l’époque je jouais avec un type qui s’appellait Eric Emerson, c’était un acteur aussi, il a joué dans « Heat » et puis « Lonesome cowboy »…
DB: et « Chelsea girls »…
CS: Donc, sa petite amie jouait avec Debbie et nous avons été présentés. Lui depuis s’est fait écraser par un camion.
DB: Chris s’est joint au groupe; il était le seul musicien homme fixe.
CS: On faisait un on deux gigs à l’occasion, on répétait un peu, on avait plein de temps libre.
GR: Existait-il un public des Stilettos?
DB: Moi j’avais un travail à part.
CS: Moi aussi (le ton de sa phrase me laisse croire qu’il n’a pas terminé, mais il fixe la télévision pendant une bonne minute)… Zut, quelle était la question? Ah oui, une audience. (rires). Oui, il y en avait une. Quand les Stilettos se sont séparés, il commencaient à attirer beaucoup de monde; même la presse anglaise s’intéressait un peu à nous. C’était il y a longtemps, en 64 je crois.
GR: ?????
DB: (riant) 74! (prenant une voix de grande mére) tu l’as dit old boy!
CS: (qui ne s’est apercu de rien)… bien avant les Sex Pistols et toute cette merde; je les aime bien, mais ils n’ont rien commencé du tout. J’étais en Angleterre quand toute cette foutue histoire a commencé, le plus dingue de tous, c’était Eno; il se baladait avec ses tenues folles; le groupe du moment, c’était les Pink Fairies (il m’explique pendant 10 minutes pourquoi les Pink Fairies étaient le groupe le plus psychédélique de l’histoire du rock and roll). Je suis revenu à New York, on a fait les Stilettos. Television commençait et les Dolls étaient par là aussi.
GR: Qui d’autre jouait avec les Stilettos?
CS: Il y a eu Fred Smith qui a joué de la basse pendant un moment, puis Yvan Kral Bill O’Connors aussi. Mais Billy a eu une crise de nerfs et il est devenu fou; ses parents voulaient qu’il soit docteur et il n’a pas pu assumer proprement son rôle de musicien. Ensuite, il nous fallait un batteur (il reprend son souffle) mais entre temps, on avait arrêté les Stilettos et c’était devenu Blondie.
GR: C’était à quelle moment?
DB: Début 75.
CS: Nous n’avions donc pas de batteur, alors nous avons mis une petite annonce dans le « Village » et il y en a quarante qui se sont présentés; c’est vrai! Clement Burke était le dernier de tous; en fait non, l’avant dernier; le dernier c’était une fille, elle était super mais elle ne savait pas du tout jouer.
Clement était celui qui avait l’air d’être le plus cool de tous, sauf qu’il avait des platform-shoes vertes. (rires).
DB: Donc aprés çà, Fred Smith est parti pour aller jouer avec Television et Gary Valentine est venu, c’était un ami de Clement; il ne savait pas vraiment bien jouer, mais c’était un bon mec; en fait il est rentré dans le groupe grâce à ses attitudes. Tous les quatre nous jouions au CBGB sans avoir beaucoup répété, ce que firent tous les groupes punk un an plus tard. Par la suite Jimmy Destri est venu, il était un peu connu grâce à sa sœur Don Destri que tout le monde connaissait; le groupe était à peu près en place, alors nous sommes partis en Angleterre, et en revenant nous avons signé un contrat pour un single.
CS: Nous avons donc fait le premier album à nous cinq puis sommes retournés en Angleterre où ils nous ont vraiment descendus alors que maintenant ils disent que le premier album était le meilleur; bref Gary Valentine est parti, et Franck Infante l’a remplacé.
(Je me souviens que Franck m’avait dit avoir vu Blondie pour la première fois en première partie de la tournée américaine d’Iggy Pop-David Bowie, et que ce fut un des meilleurs concerts qu’il ait jamais vu).
GR: Avez vous joué avec Iggy pendant cette tournée américaine?
CS: Non, mais on a joué dans une boum à Seattle avec lui. Seattle est une ville hard-core, plein de kids déchainés; en tout, nous avons joué à peu près 10 morceaux: « Gimme Shelter », « Back door man », aucun morceau à lui, les kids étaient dingues. Je crois que nous avons beaucoup appris de lui, il est très professionnel comme Bowie.
GR: Bowie a été une grande influence pour vous?
CS: C’est un bon mec, bien qu’il soit un trou du cul. (rires).
GR: Pourquoi?
CS: Non, non, c’est un bon mec; il nous a aidé, nous a fait tourner avec lui; depuis nous n’avons pas cessé de grandir, par la suite, nous avons rencontré Jah.
GR: Et après?
CS: Nous sommes devenus le plus grand et le plus pauvre groupe de rock and roll au monde.
DB: Nous allons tuer notre manager.
(Le groupe reprochait à Peter Leeds, son manager, de n’avoir pas payé les royalties d’ « Heart of glass »; Peter Leeds déclarait se rembourser du rachat du contrat Private Stock; entre temps, Blondie a engagé un nouveau manager: Shep Gordon, ancien manager d’Alice Cooper entr’autres.)

CS: Nous croyons tous en ce que nous faisons, or la clé du succès est la stabilité; nous sommes stables: si tu peux supporter l’humiliation, la fatigue, l’ennui et la douleur, tu as une chance d’y arriver.
GR: A propos, vous sentez-vous maintenant comme des alchimistes du plaisir musical de cette planète?
DB: (elle hésite et prend un air ennuyé) Chris parle toujours de ses sombres théories scientifique selon lesquelles il faut trouver des effets qui suggèrent un maximum de gens à un niveau subliminal, un peu comme être hypnotisé, une chose contre laquelle on ne peut résister…
GR: Est-ce que « Heart of glass » a été pensé de cette manière?
CS: Non, non, nous avons écrit « Heart of glass » Debbie et moi en 74, ce n’est pas un truc calculé en fonction du marché disco ou quoi que ce soit.
GR: A l’époque il avait le même rythme?
CS: Il était plus funky, style James Brown; nous avons trouvé le titre au dernier moment, avant on l’appelait toujours « le morceau disco »…
GR: Dans ce morceau vous utilisiez la boite à rythmes, synthétiseurs etc… que vous n’utilisez pas souvent d’habitude…
CS: La boite à rythmes c’est vrai, mais nous avons beaucoup utilisé les synthétiseurs sur « Plastic Letters ». Il y a différentes manières de se servir d’un synthètiseur (Chris vient de s’acheter un ARP et passe le plus « clair » de ses après-midis à pianoter dans son appartement car il a décidé d’en jouer sur un prochain album)… Jimmy Destri l’utilise d’une façon mecanique à l’opposé de sa fonction mélodique; dans ce morceau, nous l’avons fait sonner comme une machine, il y a des effets de guitares particuliers, c’est un morceau étrange, mais tout le monde en a parlé comme d’un morceau traditionnel.
DB: C’est le beat.
CS: Ce n’est pas disco.
DB: C’est plutôt du Kraftwerk pop.
GR: Allez vous désormais vous concentrer plus particulièrement sur ce nouveau public?
CS: Définitivement non. C’était juste un truc different du reste; nous avons toujours fait des morceaux différents les uns des autres, notre premier album par exemple. Mais nous avons eu un tube rock aussi, en Angleterre; nous avons fait « Heart of Glass » pour nous amuser.
DB: C’est un disco-sucks, une parodie.
GR: Spécialement avec des passages comme… « Pain in the ass »…?
CS: C’est pas vraiment énorme. Mais n’oublions pas que ce morceau ne sera pas un tube pour nous tant que nous n’aurons pas touché d’argent.
GR: Vous pouvez toujours faire couler vos disques d’or…
DB: Ce qui se passe avec « Heart of Glass », c’est que dans un sens il nous bloque. Si nous raisonnons en termes de carrière, il ne peut que nous motiver à prendre des directions différentes; un bon exemple est Bowie justement, après un truc comme « Fame », il a fait de la musique avant-gardiste, et de « famous » il est devenu un « Hero »…
GR: En tant qu’image, il existe pourtant un risque; pour le grand public et plus spécialement la radio, Blondie c’est Deborah Harry…
CS: Ça toujours été comme çà, parce que Debbie est une star, en elle même, pas seulement la star du groupe.
GR: (à DB) Est-ce que tu es mieux payée que les autres?
DB: Je touche un petit peu plus que les autres grâce aux droits de T. shirts, copyrights de posters et tout çà, mais c’est tout.
GR: Etes-vous un groupe plus attaqué depuis quelques temps?
CS: Beaucoup de gens nous ont toujours haïs.
DB: C’est inévitable je pense, ce n’est pas très grave.
GR: Est-ce que le succès a motivé ou altéré vos rapports avec vos diverses relations?
CS: Oui, surtout avec la maison de disques. Elles sont devenues bien meilleures, Chrysalis nous respecte plus; dans l’enceinte du groupe, c’est la même chose: chacun respecte plus les autres membres car chacun de nous a pris plus d’importance, tout le monde est plus concerné.
DB: Après tout ce temps passé ensemble, nous n’avons jamais eu de sérieux problémes entre nous; nous sommes toujours d’accord.
GR: D’accord sur quoi?
DB: Les papiers, ce que chacun touche et tout çà.
(la veille, j’avais assisté à une session de l’enregistrement de leur nouvel album qui doit sortir ces jours-ci. Chris avait passé plus de trois heures sur l’introduction de « Eat the Beat » un morceau funky qui sera certainement le single…)

GR: Il me semble qu’au moins un des nouveaux morceau est dans la lignée de « Heart of Glass »…
CS: Sauf les paroles qui sont drôles, une parodie; ce n’est pas réel, je veux dire si, c’est réel, mais ce n’est pas standard.
GR: Il me semble que comme Bowie ou Springsteen, vous vous orientez vers de nouveaux espaces dès que les précédents sont encombrés par le succés…
CS: Non, non, tu veux rire, le prochain album est super-commercial. Je ne suis jamais à la recherche d’un hit, je suis seulement à la recherche de ce que les gens et de ce que moi peuvent aimer.
GR: « Heart of Glass » était programmé sur les stations noires de New York (WBLS, 92 FM) comme sur les autres…
CS: Je pense que certains morceaux du prochain album conviendront parfaitement aux stations noires, rythme plus syncopé, plus funk que « Heart of Glass »; j’aimerai faire plus de trucs reggae et tout çà. Mais c’est un grand honneur de passer sur ces stations; même Jimi Hendrix, de son vivant, n’y est jamais arrivé; alors c’est pourquoi il a fait «Band of Gypsys ». En ce moment, aux USA, il y a un revival du blues; les Blues Brothers par exemple, c’est de la merde mais çà marche bien.
GR: Allez-vous jouez du blues?
CS: Non, non, nous avons toujours essayé d’exploiter les territoires musicaux les plus divers.
GR: Parlez-moi du nouvel album…
CS: C’est une série de chansons; j’ai peur qu’il ne soit pas tout à fait assez différent du dernier.
GR: Chaque album doit être différent du précédent…
CS: Oui; c’est très important pour moi; les meilleurs groupes ont toujours fait çà: Les Beatles, les Stones, Bowie.
GR: Y-a-t-il apport d’autres instruments comme des cordes ou des cuivres?
CS: Non; si nous ajoutons de nouveaux sons c’est que nous en jouerons nous-mêmes; çà me plairait de faire un solo de sax… il y a beaucoup de sons que Jimmy Destri peut tirer de ses synthétiseurs; avec l’équipement que nous avons maintenant nous n’avons pas besoin d’autres instruments; en plus, dans un studio, il est possible de faire sonner n’importe quel instrument comme n’importe quel autre, il n’y a pas de limites.
GR: Continuerez-vous à travailler avec Mike Chapman?
(l’australien qui ne produit que des femmes)
CS: Je pense.
DB: Mais il veut que nous vendions 4 millions de disques sinon il s’en va.
GR: Et vous demanderiez à qui? Phil Spector?
DB: Non (rires) à toi Gilles.
GR: Alors ce nom…
CS: Giorgio Moroder. (éclats de rire)
DB: Ce mec dit n’importe quoi.
CS: Chapman veut produire Donna Summer; il lui a écrit, mais elle n’a jamais répondu. Non, producteur hein? Moi je voulais Paul McCartney. Mike nous a dit que quand nous ne travaillerons plus ensemble, nous devrions demander à Nick Lowe; ils s’aiment beaucoup tous les deux, ils ont beaucoup de points communs.
GR: Parlez-moi des tournées; allez-vous faire les habituelles reprises de T. Rex ou Iggy?
CS: Moi je voulais faire « Brown Sugar », mais personne d’autre ne voulait.
GR: (Deborah décroche le téléphone) Vous devriez faire « Parachute woman »… On dit que vous n’aimez plus tourner…
CS: C’est vrai, je n’aime plus tellement tourner; j’aime bien voir des gens différents, j’aime jouer, mais çà demande beaucoup de travail, et çà dure tellement longtemps.
DB: Mais ce n’est pas une question définitive; nous n’aimons pas tourner dans les conditions actuelles ou plutôt précédentes; les gens ont toujours tendance à écrire la moitié négative sans parler des explications qui viennent avec.
CS: (à Debbie) Si çà se trouve il va écrire de choses affreuses sur nous; on ne comprend même pas un mot de français; mais si çà y est, j’en suis sûr! c’est le Tony Parsons français! (rires)
GR: (refoulant une quinte de toux) Qu’est-ce qui n’allait pas avec les tournées précédentes?
DB: C’était difficile; nous n’avions qu’une seule personne pour s’occuper de tout, nous n’avions pas assez d’argent pour nous offrir une équipe; une équipe qui connaisse les morceaux, pour le son, l’éclairage.
GR: Le reste du groupe partage-t-il cette opinion?
DB: Absolument. A une époque nous avons eu des différends avec le groupe; c’était une époque troublée; notre manager nous a fait mener la vie dure, affreux; çà fait huit mois de bagarres, d’avocats, l’enfer. Les factures qui tombent mais pas les royalties, tout était une vraie merde sauf que nous étions No 1 dans le monde entier; au moment même où dans le groupe tout se cassait la gueule, aux yeux du monde nous resplendissions; alors çà a sauvé le groupe; maintenant nous retravaillons ensemble, nous sommes bien ensemble, nous sommes d’accord sur tout.

GR: Quels disques écoutez-vous en ce moment?
DB: Aujourd’hui… (elle réfléchit) on a écouté les Stones. Hier? Rien je crois sinon, nous écoutons Don Cherry, l’album « no wave » avec les Contortions, DNA et tout çà, Casino Music (dont Chris vient de produire le premier album), et les B 52’s.
CS: L’album de Donna Summer est fantastique, « Hot Stuff », « Bad Girls »…
GR: Il passe trés souvent à la radio.
CS: Je devrai écouter la radio alors; j’ai horreur de la radio; dans le sud ils ne passent que Marshall Tucker band et tous ces trucs; quand nous étions au Texas, nous sommes sortis deux ou trois fois dans des bars et tous ces sacrés groupes jouaient « Cat scratch fever ». Tous!
GR: Et vous, maintenant que vous êtes célèbres, allez-vous déménager au soleil? Los Angeles par exemple.
CS: L.A. c’est pour les ratés, ceux qui ont craqué.
DB: (indignée) Ce n’est pas gentil de dire çà.
GR: New York est comme un combat?
CS: Absolument; c’est l’emmerdement continuel; c’est plein de dingues; je suis sur qu’il y a plus de dingues à Manhattan que dans la France entière. (rires) pourtant nous avons rencontré quelques noix là-bas aussi.
GR: Pouquoi avoir repris « Sunday Girl » en français?
DB: Parce que çà sonnait très français; c’était joli. Les mots et la musique, c’est comme un flirt; les mots français avaient beaucoup plus de signification pour moi, même si je ne comprend pas un mot de ce que je chante.
GR: A propos de lyrics; les paroles du dernier album étaient des histoires sentimentales, alors que celles des deux précédents « voyageaient » plus…
CS: Debbie écrit la plupart des paroles et elle se sert de thèmes très variés; je ne sais pas si un jour nous écrirons des paroles à thème politique comme Clash et tous ces gens-là, pour moi, çà fait plutôt partie de la vie privèe, mais nous reviendrons aux thèmes fictionnesques du début; le précédent album a été conçu dans une sorte de rush général.
GR: Et les films?
CS: J’ai envie de faire un western science-fiction.
GR: Et « Union City » ?
DB: Il devrait sortir bientôt. (« Union city » est le premier grand rôle de Deborah dans un film long métrage; auparavant, elle avait participé aux films d’Amos Poe dont « unmade beds », puis « Alphaville » le remake de Godard) C’est un thriller psychologique qui se passe dans les années 50; il est tiré d’une nouvelle de Cornell Woolrich qui a écrit « Rear window » pour Hitchcock; c’est tourné de façon très artistique.
GR: Est-ce le début d’une « carrière » ?
DB: Je ne sais pas; çà dépend, j’ai quelques bonnes offres; une fois, on m’a proposé un film anglais de Dracula, mais çà ne m’intéresse pas vraiment, c’est stupide.
GR: Quel était ton rôle?
DB: Je ne sais pas, une sorte de vampire j’imagine; un vampire du rock and roll; (rires) Chris et moi avons décidé que je devrai éviter les films rock; ce sont des clichés.
GR: Parce que to es un sex-symbol du monde rock?
DB: Peut-être… (elle réfléchit et semble embêtée) je ne sais pas si je suis un sex-symbol, c’est seulement qu’il n’y a pas tant de filles que çà qui jouent du rock… mais dans les films… je ne sais pas, je ne suis pas aussi sexy que Brigitte Bardot ou quelqu’un comme çà.
GR: C’est discutable… »
Chris et Debbie décident alors de faire une interview de moi; ils se saisissent de mon enregistreur et y vont de leurs questions les plus odieuses. Moi, je me dis qu’après Antoine et Cléopâtre, Jagger et Richard, Rolls et Royce, Rivoire et Carret, un nouveau couple vient de prendre un crédit pour la postérité: Stein et Harry. Pour eux, il ne sera désormais plus question que de poster et de résumés. Pour vous faciliter la tâche, voici donc un petit digest à classer à la lettre P. P pour plaisir.

Deborah Ann Harry, née en 1945 à Miami; élevée dans le New Jersey avec sa jeune sœur; quitte ses parents et vient s’installer à Manhattan où elle exerce divers métiers tels que serveuse au Max’s Kansas city, Bunny au Playboy club, chanteuse de folk-rock, peintre. Rencontre Andy Warhol, puis rejoint un groupe de filles le Stilettos.
Chris Stein, né à Brooklyn en 1950; enfance mystérieuse; ne réussit pas à l’école, commence la musique et voyage beaucoup; exerce diverses occupations comme forgeur de ceinturons; devient ami avec Robert Fripp; en 73 rencontre Deborah Harry à un concert des Stilettos et rejoint le groupe.
En 75 début de Blondie…

Gilles RIBEROLLES

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